En 2022, le jury n’a pas attribué de prix en 2022, mais il a souhaité cependant souligner la qualité du livre candidat : « Les Mal Aimées », de Caroline Bréhat et une remise d’encouragement pour le prix Nicolas Abraham et Maria Torok a été décerné à cet ouvrage et à son auteur.

Éditions Art 3 Galerie Plessis, 2021, De Caroline Bréhat
Éditions Art 3 Galerie Plessis, 2021, De Caroline Bréhat
Caroline Bréhat, psychothérapeute et psychanalyste, après un cursus de 5 années à l’EFPP, membre du SNPPsy et de l’Association Française de Psychanalyse Intégrative (AFPI), spécialiste des violences intrafamiliales.
« Lors de ses délibérations du jeudi 1erdécembre 2022, le jury a acté la qualité littéraire de ce livre, le courage de son auteure, sa volonté de rendre compte d’une histoire transgénérationnelle marquée par la transmission de passages à l’acte incestueux sur les filles de la lignée d’Aimée sur au moins trois générations. Le jury regrette toutefois que l’auteure, psychanalyste, ne cite jamais dans son récit le travail théorique de N Abraham et M Torok, référence qui n’intervient qu’en post face et par un tiers. Il estime que l’auteure est encore en chemin vers une élaboration plus accomplie de la problématique qu’elle a tenté de traiter.
C’est pour cette raison, que, décidant de ne pas lui attribué le prix NAMT, il a souhaité cependant souligner la qualité du livre et son cheminement personnel, par une remise d’encouragement du juryet une récompense. Le jury de l’AENAMT.
Extraits de notes de lectures du jury :
- « Caroline Bréhat journaliste à New York pendant 10 ans, traductrice diplomatique à l’ONU pendant 15 ans est psychanalyste et auteur de nombreux romans J’ai aimé un manipulateur et Mauvais Père (Edition Les Arènes)
- Les Mal Aimées s’apparente à une véritable tragédie moderne et se lit comme un thriller. Mise en abyme d’un drame personnel qui a touché l’auteur, ce roman mêle la réalité et la fiction. Il fait office d’exutoire et de dénonciation et s’articule autour d’un personnage central Bettina Le Goff. Elle est accusée d’avoir enlevée sa fille Apolline pour la protéger d’un père incestueux. Elle quitte New York confrontée à des accusations d’aliénation parentale pour ne pas risquer de perdre ses droits maternels. Partie en France avec sa fille, le jugement de la cour d’appel rend son verdict : Bettina se voit confier la garde d‘Apolline pour la protéger d’un père dangereux. La justice française l’autorise à vivre avec sa fille hors de son lieu de résidence habituelle et à demeurer sur le sol français. Mais malgré la décision de la cour d’appel, un mandat d’Interpol est émis à son encontre. Bettina est recherchée par le FBI département d’état américain. Alors qu’elle se trouve en Italie, elle est arrêtée par les carabiniers. C’est de sa cellule que Bettina entreprend d’écrire ce roman Les Mal Aimées. Sa parole a été mise répétitivement en doute par les traumatismes infligés par son ex-compagnon. Lors de son incarcération l’écriture la sauve d’un gel de la pensée « Je doutais de mes perceptions, de mes affects, de mes sensations intimes, j’étais tellement habituée à ce que mes paroles subissent des distorsions que mon journal permettait de valider mes perceptions intimes “. Nous sommes loin d’un conte de fée qui promeut aux jeunes filles la rencontre avec un prince charmant.
- Ce roman prend fait et cause pour des femmes bernées par un destin truqué campées par les prisonnières de la casa circondariale. Caroline Bréhat questionne le piège de la répétition transgénérationnelle de l’inceste. Elle s’insurge contre le tabou sociétal qui entoure sa transmission. Elle montre comment l’emprise et la séduction narcissique s’immiscent dans les liens familiaux. La perversion règne en maitre en inversant les culpabilités et aveugle les tribunaux. Elle raconte comment 4 générations de femmes, appelées Aimées subissent une sorte de malédiction transgénérationnelle où les violences familiales se répètent. Ce sont des héritages nocifs, non symbolisés se reproduisant de génération en génération comme une force obscure et incontrôlable. L’inceste constitue un crime généalogique qui attaque la filiation en créant des liens innommables, véritable meurtre psychique abolissant les repères identitaires.
- Caroline Bréhat livre une métaphore romanesque pour parler de l’inceste. Elle montre comment le travail des fantômes familiaux hante la descendance comme l’ont théorisé Nicolas Abraham et Maria Torok psychanalystes d’inspiration ferenczienne. Ce livre interroge la perpétuation de ce qui est universellement réprimé.
- Ce livre se lit comme un roman, ou un thriller, avec un style direct et agréable, mais l’analyse plus théorico clinique pouvant ouvrir sur les théories de NAMT n’est pas présente. C’est Jean Marc Ben Kemoun psychiatre qui fait le lien avec les théories d’Abraham et Torok. C’est plutôt un récit d’un vécu engagé en premier lieu, sur le thème de l’inceste, sujet très médiatisé. La bibliographie de l’auteur et ses ouvrages semblent se centrer sur une thématique personnelle prégnante d’un trauma encore à vif »
- « Livre qui se lit facilement et qui dégage beaucoup d’authenticité. La qualité d’écriture, comme les descriptions de scènes (prison, voyages…) sont attractives, mais l’ouvrage reste insuffisant dans l’élaboration psychanalytique et la théorisation. L‘autrice est son propre objet d’observation et elle est très prise par son histoire. Elle est dans son trauma et en écrivant elle semble vouloir se sauver. L’ensemble montre des clivages entre le tout mauvais (le bourreau, le générationnel..) et le tout bon, idéal (lien-mère fille, lien amoureux…). Il n’y a pas accès à l’ambivalence et à la transformation. Cela reste néanmoins un témoignage poignant… mais sans le regard analytique. Le jury devrait rester touché par ce beau livre.